Quand les vigneronnes de Verzy réinventent le champagne nature

6 décembre 2025

Verzy, écrin d'inspirations et de terroirs vivants

Inscrit parmi les Grands Crus de la Champagne, Verzy a de quoi faire tourner les têtes des amateurs éclairés. Les pinots noirs y règnent en maître, développant une puissance racée, mais c’est aussi la fraîcheur de ses sols, l’exposition des coteaux et la générosité des forêts alentour qui impriment leur caractère unique dans chaque lot de raisin. Plus qu’un lieu, Verzy est à la fois matrice et muse pour celles qui y cultivent la vigne, particulièrement celles qui se sont engagées dans le virage du sans sulfite ajouté, du non-dosé ou du bio, autrement dit : le champagne nature.

  • Classement : Grand Cru depuis 1999 (source : CIVC, Comité Champagne)
  • Superficie : Environ 420 hectares de vignes sur le village, dont 79 % en pinot noir (source : La Revue du Vin de France)
  • Particularité : Sols crayeux, microclimats variés grâce à la forêt domaniale de Verzy

Champagne nature : entre audace et exigence

Qu’est-ce qu’un champagne nature, au juste ? C’est un champagne à qui l’on n’ajoute pas ou très peu de sucre lors du dégorgement (pas ou moins de 3 g/L, selon le législateur), souvent sans ajout de sulfites, et surtout travaillé dans une démarche minimaliste. Résultat : une expression sincère du cépage et du terroir, des arômes précis, une tension vibrante... mais aussi le risque assumé d’un vin plus fragile, nu, parfois tranchant.

  • Proportion de champagnes “brut nature” ou “non dosé” en Champagne : environ 4 % en 2022 – mais avec une croissance de plus de 10 % par an depuis 2017 (source : Union des Maisons de Champagne).
  • Teneur en sulfites : Les maisons conventionnelles ajoutent souvent jusqu’à 100 mg/L ; les champagnes nature, parfois moins de 30 mg/L, voire zéro ajouté (source : Vignerons Indépendants).

Portraits croisés : innovation et intuition au féminin

Si l’on parle de “choix de vinification”, c’est que les vigneronnes du secteur multiplient les pistes pour façonner des champagnes nature plus gourmands, digestes, mais aussi vivants et sincères. Retours sur plusieurs signatures de Verzy :

  • Fermentations naturelles et levures indigènes
    • Presque toutes les champagnes nature sont désormais élaborées en laissant travailler les levures du raisin lui-même. Marie, vigneronne installée depuis 2016, confie : “Oser la fermentation sans levures exogènes, c’est accepter la signature du millésime. C’est prendre le risque de moins contrôler, mais c’est aussi, à chaque fois, une révélation.”
  • Élevages sous bois ou en amphore
    • Les vinifications en fût, parfois en demi-muids, apportent aux champagnes nature une complexité subtile. Certaines optent pour l’amphore en terre cuite, qui laisse respirer le vin sans le marquer d’arômes boisés (Maison Huré Frères, par exemple, sur la Montagne de Reims dans leur cuvée “Insouciance Nature” – source : RVF).
  • Pressurage doux et séparation des jus
    • Le pressurage est lent, fractionné, pour isoler la “cuvée” (premier jus, plus fin, plus pur) de la “taille” (plus riche, souvent destinée à d’autres usages).
  • Malolactique, ou pas ?
    • Certaines vigneronnes stoppent la fermentation malolactique pour conserver la tension. D’autres laissent faire la nature, au risque d’une acidité moins ronde mais avec plus d’énergie en bouche.
  • Aucune filtration, aucune clarification agressive
    • Le vin est juste débourbé, parfois légèrement décanté, sans collage ni filtration. Selon Le Monde du Vin, cela permet de préserver des arômes délicats, mais aussi d’offrir au champagne une évolution “vivante” et parfois... imprévisible !

Une carte sensible : la biodynamie et l’inspiration végétale

Champagnes nature riment souvent, à Verzy, avec “biodynamie”. Plusieurs domaines portés par des femmes (comme la jeune génération des maisons Nowack ou Brisson-Lahaye, sources : Terre de Vins et Le Figaro Vin) emploient les préparations biodynamiques, privilégient la vie du sol, le travail au cheval ou des traitements végétaux. Les cycles lunaires, les infusions d’ortie ou de prêle sont autant de gestes quotidiens qui font le lien avec des pratiques oubliées, revenues au-devant de la scène.

  • Engagements certifiés : Plusieurs maisons obtiennent des labels bio ou Demeter entre 2018 et 2022, avec une croissance à deux chiffres sur la Montagne de Reims (source : Sud-Ouest, 2023)
  • Sols vivants : Vigneronnes adeptes du non-labour, couvert végétal, replantation en massale (sélection de pieds anciens) pour préserver la biodiversité

Un tableau des principaux choix de vinification

Étape Approche classique Approche “nature” des vigneronnes de Verzy
Levures Levures sélectionnées, contrôle strict Levures indigènes, levain de raisin du domaine
Sulfites Ajouts pendant pressurage & tirage Souvent aucun ajout ou doses minimes
Élevage Inox majoritaire, durée standard Bois, amphore, élevage long sur lies
Filtration Filtration large avant tirage Aucun collage, pas de filtration
Dosage Brut (6-12 g/L), extra-brut Brut nature, non dosé (<3 g/L)

Des cuvées de caractère, premiers verres : à qui s’adressent-elles ?

Les champagnes nature élaborés par les vigneronnes de Verzy ne cherchent pas la séduction immédiate. Ils interpellent par leur franchise, racontent la minéralité par une amertume élégante, dévoilent des notes parfois crayeuses, des agrumes frais, une vibration jamais maquillée. Ils séduisent particulièrement :

  • Les amatrices averties en quête de vins nouveaux, loin des standards uniformisés
  • Les curieuses voulant déguster des vins “vivants”, en perpétuelle évolution (parfois différents d’une bouteille à l’autre !)
  • Les adeptes de l’écoresponsabilité, sensibles aux démarches bio ou biodynamiques
  • Les fans de gastronomie, car un champagne nature magnifie plus d'un plat que l’on pourrait croire : tempura de légumes, fromages affinés, sashimi de dorade…

Secrets d’ateliers : gestes quotidiens, petites et grandes victoires

La vinification “nature” exige une attention constante. Les vigneronnes de Verzy, souvent en petites équipes ou en chantier familial, doivent surveiller de près chaque cuve, sentir, goûter, deviner, ajuster au moindre microdétail. Certaines sont passées maîtres dans l’art de l’ouillage (compensation de l’évaporation en barrique), d’autres dans la gestion de la réduction ou de la prise de mousse sans ajout de levures extérieures.

  • Laboratoires indépendants locaux constatent chez les vigneronnes une réduction moyenne de 35 % des intrants œnologiques par rapport à la moyenne champenoise entre 2017 et 2023 (source : Laboratoire Dubernet)
  • Plus de 80 % des tirages nature reposent sur les années “solaires”, où le raisin atteint sa parfaite maturité, réduisant les écarts aromatiques (source : Syndicat Général des Vignerons de Champagne)

L’avenir se lève entre les rangs de pinots noirs

Si le champagne nature n’en est qu’aux balbutiements à Verzy, il semble déjà porter un souffle nouveau pour la Champagne. La région attire de jeunes femmes passionnées, ingénieures agronomes, urbanistes, parfois issues de familles de vignerons mais pas toujours. Et ce nouveau vent, entre science, poésie et patience, donne naissance à des cuvées d’une sincérité troublante. Les champagnes nature des vigneronnes de Verzy sont un hommage vibrant au terroir, à l’instinct féminin, et à cette envie d’inventer demain, sans renier les racines.

Elles prouvent, millésime après millésime, que la liberté de créer n’a rien d’un caprice : c’est un engagement, autant pour la beauté du vin que pour celle du monde.

Sources : Comité Champagne, La Revue du Vin de France, Terre de Vins, Le Figaro Vin, Syndicat Général des Vignerons, Sud-Ouest, Laboratoire Dubernet, Le Monde du Vin, Union des Maisons de Champagne.

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