Montagne de Reims : Les Vigneronnes qui Écrivent une Nouvelle Page de la Champagne

3 décembre 2025

La Montagne de Reims, écrin de diversité féminine

Nichée entre Reims et Épernay s’étend la Montagne de Reims, cette couronne de collines boisées qui abrite quelques-uns des crus les plus réputés de Champagne. Mais saviez-vous que, derrière les murs des caves et les rangées de ceps bien alignés, souffle le vent du renouveau, porté par les vigneronnes indépendantes ? Depuis dix ans, leur nombre et leur visibilité ne cessent d’augmenter – aujourd’hui, près de 30% des exploitations champenoises dirigées par des femmes, et la Montagne de Reims offre un terrain d’expression privilégié à ce mouvement (Sources : Comité Champagne, Vignerons Indépendants).

Loin de n’être qu’un passage de relais familial, la montée en puissance féminine relève souvent d’une réelle volonté d’affirmer une vision nouvelle : celle d’une identité viticole où la tradition embrasse l’audace, où la patience épouse la minutie, et où chaque cuvée raconte une histoire inattendue.

Un héritage réinventé : entre transmission et révolutions douces

La viticulture champenoise a longtemps été une affaire d’hommes : le chantier est donc immense lorsque, à partir des années 1980 surtout, de plus en plus de femmes s’emparent des rênes des exploitations. Si la transmission familiale reste le premier canal d’accès, nombreuses sont celles qui revendiquent, très tôt, l’envie de donner leur propre couleur au patrimoine reçu.

  • Émilie Bouchet (Maison Bouchet-Henriot, Ludes) : Après des études d’œnologie en Bourgogne, Émilie revient sur la propriété familiale avec l’idée de remettre la biodiversité au cœur du vignoble. Elle lance dès 2015 des essais de viticulture en biodynamie sur les hauts de Ludes.
  • Caroline Derot (Maison Derot-Delugny, Vincelles) : Arrivée à la tête du domaine en 2017 suite à la retraite de son père, elle modernise la gamme avec de nouvelles cuvées parcellaires et ose la vinification en petits contenants pour affiner l’expression du terroir.

Certaines exploitantes choisissent de maintenir les traditions – la parcelle, le geste, l’art du temps long – mais y glissent une sensibilité nouvelle. D’autres bousculent la façon de travailler le sol, de penser l’élevage, ou d’ouvrir le vignoble à la dégustation et à la découverte, grâce à l’œnotourisme ou aux “balades dans les vignes”.

Signatures et audace : ces vigneronnes qui impriment leur marque

Des cuvées à l’image de leurs créatrices

Dans les caves de Verzy, Rilly-la-Montagne ou Bouzy, fleurissent des champagnes qui se démarquent autant par leurs arômes que par leur histoire. Les vigneronnes indépendantes de la Montagne de Reims revendiquent, pour beaucoup, la création de séries limitées, micro-cuvées ou millésimes confidentiels. Cette liberté créative leur permet d’oser :

  • Des mono-cépages inattendus : Pinot meunier sur des terroirs historiquement plantés de pinot noir.
  • Des vinifications sans soufre ajouté, pour explorer la pureté et la typicité maximale du raisin.
  • L’essor du bio et de la biodynamie : En 2023, plus de 8% des vignerons champenois étaient engagés dans la viticulture biologique ou en conversion (source : Comité Champagne). Les femmes jouent un rôle moteur sur la Montagne de Reims, où cette proportion atteint près de 15% chez les nouveaux installés depuis 2015.

À l’image de Florence Duchêne, à Cumières, qui élabore un blanc de noirs solaire, issu de pinots noirs vinifiés sous bois, ou d’Isabelle Tellier à Chigny-les-Roses, qui ose le dosage zéro bien avant que la tendance ne s’installe…

Le rapport à la terre, nouveau fil rouge

Plus qu’un simple produit, le champagne porté par ces femmes devient le reflet d’une philosophie. Beaucoup s’engagent dans le respect du vivant, du sol à la bulle dans la flûte.

  • Replantation de haies, enherbement, pâturage des moutons entre les rangs : des gestes devenus familiers dans les exploitations féminines.
  • Sensibilisation auprès du public : plusieurs vigneronnes invitent désormais les visiteurs à participer à des ateliers : reconnaissance des sols, taille de la vigne, vendanges à l’ancienne.

L’idée : tisser un lien entre l’environnement, le patrimoine, et le goût – une signature à part.

Des parcours inspirants dans un monde qui change

La Champagne n’est pas uniquement un décor de carte postale : c’est un terroir exigeant, rude, parfois ingrat. Affirmer son identité de femme vigneronne, c’est souvent composer avec :

  • La question de la légitimité : longtemps reléguées à un rôle d’épouse ou de “petite main”, les vigneronnes ont dû conquérir leur place dans les syndicats et jurys de dégustation.
  • Le défi technique : chaque rang, chaque millésime est une épreuve. Adopter des pratiques plus douces mais tout aussi précises demande de l’audace, surtout sur des terroirs réputés intransigeants comme ceux d’Ambonnay ou Verzenay.
  • Une visibilité encore à gagner. Selon l’Association Femmes de Vin, seulement 18% des médailles des concours nationaux sont décernées à des champagnes élaborés par des femmes. Pourtant, leur quantité et leur diversité ne cessent de croître.

Et la force de ces parcours, c’est leur réseau : beaucoup s’organisent en groupes ou associations pour échanger, mutualiser du matériel, ou co-organiser des événements (citons, par exemple, la branche locale de “La Champagne des Femmes”).

Hospitalité et nouvelles expériences : la Champagne à la façon des vigneronnes

L’identité viticole se construit aussi hors du chai. Les vigneronnes indépendantes excellent dans l’art de l’accueil et de la transmission, et c’est sur ce terrain qu’elles séduisent une clientèle avide d’authenticité, bien plus que de paillettes. Voici comment se traduit cet art sur la Montagne de Reims :

  1. Visites immersives : balades interactives dans les vignes, soirées accords mets-champagne, initiation à la dégustation à l’aveugle, ateliers de reconnexion à la nature.
  2. Œnotourisme sur-mesure : maisons d'hôtes créées au cœur du vignoble (Le Clos des Terres Soudées, la Maison Penet...), dîners dans les caves, parcours découverte pour petits groupes.
  3. Partenariats entre vigneronnes : Par exemple, la “Journée des Vignes au Féminin” rassemble chaque printemps une dizaine de vigneronnes des villages voisins, pour une journée d’immersion sensorielle et gourmande.

C’est toute une façon de partager, d’ouvrir le dialogue, de casser la distance parfois glaciale de la Champagne traditionaliste.

Chiffres-clés et portraits à retenir

Voici quelques données et repères concrets pour situer la dynamique actuelle :

Élément Chiffre Source
Exploitations champenoises dirigées par des femmes ~30% Comité Champagne
Cuvées certifiées bio ou en conversion (global Champagne) 8% en 2023 Comité Champagne
Installations féminines sur la Montagne de Reims depuis 2015 ~15% Vignerons Indépendants (estimation secteur local)
Médailles nationales attribuées à des champagnes de femmes 18% Association Femmes de Vin

Quelques vigneronnes phares de la Montagne de Reims à suivre absolument :

  • Florence Duchêne (Cumières)
  • Isabelle Tellier (Chigny-les-Roses)
  • Émilie Bouchet (Ludes)
  • Caroline Derot (Vincelles)

Chacune porte une histoire, une sensibilité, une manière d’habiter et de valoriser un terroir exigeant.

Quand la Champagne se conjugue au féminin pluriel

Dans les ruelles ombragées des villages de la Montagne de Reims, sur les coteaux dorés par le soleil de juin, ce sont désormais des voix plurielles, fières et passionnées, qui racontent la Champagne d’aujourd’hui. Les vigneronnes indépendantes, loin de simplement perpétuer une tradition, la réinventent à l’aune de l’écoute, de la ténacité, mais aussi d’une créativité joyeusement assumée.

À l’heure où la viticulture se trouve à la croisée des défis climatiques, économiques et sociaux, ces femmes démontrent que l'identité viticole n'est pas seulement affaire de terroir – mais aussi de conviction, de transmission et de générosité. Une effervescence contagieuse, à savourer, à partager, et à célébrer, flûte en main, lors de votre prochain passage en Montagne de Reims.

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